9.1.09

André Moreau, à propos de lui-même, en quelques mots.

Mon arrivée sur terre remonte au 8 février 1941. Il grêlait. Les armées hitlériennes victorieuses pénétraient à Paris. Je suis né à un père belge, électricien de son métier, arrivé au Canada en 1928, et à une mère canadienne-française qui avait perdu ses parents à l’âge de cinq ans, donc orpheline et sans instruction. J’ai gardé de cette période de ma vie une très forte impression d’éternité, si bien que j’en suis venu à penser par la suite que les essences éternelles que Platon situait dans un ciel intelligible n’étaient rien d’autre que les objets idéaux éternels entrevus par les hommes au cours de leur enfance. Je m’en suis rappelé et ils m’ont guidé dans la vie

Il faut donc situer mon apparition sur terre dans un pays nordique, dans une province francophone, le Québec, et dans un contexte urbain. J’ai passé mon enfance et mon adolescence au centre-ville de Montréal. Déjà à cette époque, il y avait de la pollution et j’étais souvent malade, mais je me suis toujours senti entouré d’amour. Mes parents m’ont tout donné et m’ont soutenu inconditionnellement. Dès mes premières années, j’ai compris que j’étais différent. Mon enfance a été celle d’un dieu entouré de douceurs et d’harmonie.

Jeune homme, le fait de ne pas avoir vécu comme les autres, dans un environnement mythique, la famille représentant l’île bienheureuse du Paradis et le monde extérieur la menace permanente de l’inconnu, faisait de moi un individu original en réaction contre les valeurs du milieu et quelqu’un qui prêtait le flan à la critique et au rejet. Mon esprit ne demandait qu’à prendre son essor. Mais j’étais un homme nouveau, très différent de mes confrères de classe, et je me développais en marge des institutions, ne jurant que par mon système naissant. Invariablement, mon originalité me nuisait. Même quand j’ouvrais les bras à mes confrères et que je les recevais dans mon boudoir, j’étais radicalement antisocial. Je considérais la société comme le monde à abattre. Et en cela, la Révolution Tranquille n’allait pas assez loin. Parfois, je surprenais autour de moi des rumeurs de rébellion clandestine. Je savais que quelque chose se préparait. Comment allais-je m’y prendre pour changer la mentalité médiévale qui avait survécu jusqu’à notre époque dans les esprits ? Monsieur Murin, un ancien professeur, me disait que c’est le lot des minorités : celui des Irlandais au Royaume Uni, des Flamands en Belgique, des Slovaques en Tchécoslovaquie et des Juifs en Allemagne. De tels propos, pourtant forts justes, ne m’encourageaient pas à me sentir un « citoyen du monde ».


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